Hospichild était présent lors du colloque organisé par Culture & Démocratie, Commission Art & Santé : Soignants, artistes, usagers : faire liens pour faire sens – Vendredi 18 novembre à l’Institut Libre Marie Haps.
Nous avons choisi de vous relater plus en détail, les deux premières interventions en séances plénière, sachant que vous pourrez découvrir des images tournées par Isabelle Rey et une synthèse de la journée prochainement, sur le site de Culture & Démocratie.
De nombreux étudiants de l’Institut Marie Haps où avait lieu le colloque étaient présents dans la salle, attestant de l’intérêt du sujet pour ces futurs professionnels psychologues. De nombreux professionnels des horizons pédiatriques et associatifs ont également participé à la journée de sensibilisation autour de la pratique artistique en milieux de soins.
Le débat fut ouvert par la présidente de Culture & Démocratie, Sabine de Ville, suivie de Catherine Vanandruel, de la Commission Art & Santé. L’une et l’autre ont rappelé que la Commission Art & Santé, coordonnée par l’asbl Culture & Démocratie rassemble des artistes et des soignants pour encourager le développement durable et professionnel des liens entre le secteur de la santé et le secteur culturel.
Catherine Vanandruel a poursuivi en rappelant les différentes activités et productions de la Commission Art & Santé et introduit la journée en rappelant le rôle complémentaire des artistes qui interviennent dans les lieux de soin : « L’artiste assure alors un rôle de complémentarité, la bulle d’imaginaire, face à une médecine ultra puissante et factuelle à laquelle il vient (peut-être) rappeler la part de fragilité, d’imprévu et de maladresse propre à notre condition d’êtres humains. »
Ce projet fut proposé par Geneviève Schneider (musicienne, auteure) et le Dr. Anne Pardou (médecin chef du service honoraire) au Dr. Bart Van Overmeire, actuel chef du Service de Néonatologie à l’Hôpital Erasme à Bruxelles, dans le cadre du NIDCAP (http://nidcap.org/en/). D’abord, l’annonce du projet a suscité des questions et de l’étonnement parmi l’équipe soignante. Ensuite, Régine Galle et Nico Castiaux, de l’asbl Pont des Arts, ont formé une équipe d’infirmières au chant et aux techniques associées.
Conquises, les infirmières se sont entraînées à chanter dans toutes les langues, au cours de nombreuses répétitions et pendant trois mois. En janvier 2014, suffisamment préparées, elles ont poussé la porte de la première chambre. Tout en douceur, le sonomètre n’atteint pas 60 décibels, les infirmières ont conquis les bébés et les parents. Si parfois, les parents n’étaient pas prêts ou inquiets face à leurs prestations, rapidement, la plupart d’entre eux ont été séduits par ces chants empreints de douceur et de joie. Le nombre idéal de chanteurs est de 3, accompagnés du ukulele de Régine et comportant une voix masculine, celle de Nico. « Nous étions parfois accueillis comme des rois, ça commence en douceur et ça finit dans les rires, les parents se lâchent, chantent et nous filment, les chants calment les bébés. » Chaque séance est suivie d’un débriefing et consignée dans un journal de bord, avec la réaction des enfants, le nombre d’enfants visités, l’état de l’équipe, etc. Les prestations vont en s’accroissant depuis le lancement et il est aujourd’hui officialisé parmi toute l’équipe soignante du service.
Au cours de cette présentation, il fut proposé à toute la salle de participer à un échauffement vocal qui a mis l’assemblée en forme pour le reste de la journée.
Jean –Michel Longneaux a d’abord évoqué le cadre architectural et l’esthétique avec lesquels sont pensés les lieux de soins, comme éléments jouant sur la santé passive des usagers. De ce patient passif, on s’achemine vers le patient acteur. Et Jean-Michel Longneaux de citer l’art thérapie, proposée dans tous les services hospitaliers et qui permet au patient d’être autre chose qu’un malade, en existant en tant qu’artiste ou pour son amusement à peindre, dessiner, sculpter...
Mais le miracle que peut produire l’art et qui est de pouvoir remettre le patient sur pied ne fonctionne que si on le fait hors du cadre thérapeutique. Et donc, de proscrire cette appellation paradoxale d’art-thérapie car si on associe le vocable de « thérapie » à celui d’art, on ré-installe le patient dans son rôle de malade. L’art possède des vertus bénéfiques pour le patient, pourvu qu’il n’endosse pas cette prétention thérapeutique.
L’orateur évoque ensuite l’École de Francfort et deux de ses penseurs, Théodor Adorno et Max Horkeimer, qui fondèrent dans les années 50 le concept de philosophie sociale ou théorie critique. Ceux-ci ont effectué un parallélisme entre le monde de l’art et la société. Nous appartenons à une société qui fonde sa pensée sur la raison, on pense, on résout, du moment que c’est « pensable » explique avec humour, Jean-Michel Longneaux.
Le travers de cette raison instrumentale est de tout vouloir comprendre et étiqueter, on range tout dans des cases, les choses ne peuvent demeurer incomprises. De même que tout le monde doit avoir un statut. Nous nous situons dans une logique administrative. La culture sociale entraîne le contrôle social. Tout doit pouvoir être anticipé et ainsi, entraîner une possible dérive totalitaire. Peut-on être libres ? Oui, mais de manière dissidente, comme avec l’art contemporain non figuratif qui permet de se focaliser sur un élément non porteur de sens au préalable, comme une tâche de couleur et dont le titre de l’œuvre serait « Joie ».
La raison est mise en échec. Adorno dit : « Quand l’artiste arrive à mettre ma raison en échec, je vois la couleur pour elle-même ». Nous faisons juste une expérience esthétique pure, comme peut aussi le proposer la musique atonale, qui ne propose pas de refrains que l’on puisse retenir, mais plutôt une impression sonore. L’art (contemporain) est alors un monde de liberté qui propose d’autres dimensions.
Mais les philosophes concluent de manière pessimiste, car même l’art contemporain est rattrapé par une logique pécuniaire et se confine à un petit cercle élitiste.
Le fonctionnement de l’hôpital est un univers construit selon trois piliers rationnels qui sont la science, l’économique et le légal. La science apporte une vision officielle de la maladie et de comment il faut la soigner. D’un point de vue économique, les soignants sont des techniciens qui doivent fonctionner sans états d’âme et le patient ne peut se rebeller sinon il sera sédaté ou mis en contention. Les soignants sont des gestionnaires de leurs services. Enfin, la justice définit le droit des patient et prévoit le risque de plaintes en formalisant les actes de soins de manière procédurale, si je respecte cette procédure, je suis inattaquable. Comment démontrer l’intention du médecin lorsqu’il opère ? Est-ce que ce patient est bien informé ? Nul ne peut répondre sans faille. On s’attache à objectiver la stricte observation des procédures par les soignants. La tendance totalitaire veut tout organiser.
Entre l’art passif et l’art actif, un espace s’ouvre dans l’univers organisé où on rend possible, par l’art, que le patient existe comme sujet. L’art est alors un lieu de résistance. Quel est le lien entre l’art, le support artistique et la personne ? L’une des pistes crédibles pour penser ce lien est la phénoménologie.
En phénoménologie, on ne théorise plus, on décrit de quoi on parle. Avant d’entrer dans un discours scientifique, on passe du temps à décrire l’expérience. Et, Jean-Michel Longneaux d’évoquer une discussion avec des psychiatres, qui s’attachent à soigner des sujets, ne sachant pas décrire le sujet… Est-ce que je suis cela que je dis ? On est toujours celui qui est en train de dire ce qu’on est, évoquant une mise en abîme et les théories sur la métaphysique de la perception de grands penseurs, tels Kant, Schopenhauer ou Freud. Quand nous voulons dire qui nous sommes, nous déclinons notre identité, notre histoire, notre cursus. Mais, curieusement, les mots ne sont que des représentations. Alors que l’art est une mise en œuvre de la vérité.
La phénoménologie, ce n’est pas faux, mais c’est absurde.
Lorsque nous essayons de ne plus penser lorsque nous méditons, nous sommes toujours là sans penser mais nous savons notre présence sous la forme d’un sentiment. Le sentiment d’exister dans, la souffrance, le froid, la chaleur, la douleur, la béatitude, la sérénité, … Lorsque l’on est sur la plage sous le soleil, on ne sent plus que la chaleur, le monde n’existe que par la conscience de cette sensation.
Nous n’avons pas besoin de conscience pour entendre la musique. Le sentiment ne se trompe jamais. Le vécu se donne comme étant un mouvement, en passant d’un sentiment à l’autre. Un affect qu’on empêche de s’exprimer peut nous détruire. Thomas Kuhn, philosophe des sciences, raconte cette anecdote : dans les années 50, une petite fille qui a assisté au suicide son frère est présente à son enterrement et observe ses parents qui ne laissent échapper aucun sentiment lors de la cérémonie. La petite fille ravale alors ses émotions. Elle sera plus tard admise en psychiatrie pour troubles graves. Petite, elle avait vu son père, médecin, plâtrer des membres cassés pour les réparer. Elle aura ce mot aux psychiatres qui la soignent : « Mettez-moi un plâtre sur la tête ». Cette symbolisation était la langue qu’elle avait trouvée pour exprimer son affect et le porter au monde.
Toute société a une culture, et l’art sert à offrir un langage pour se mettre en mouvement, en déploiement et se libérer vers le monde extérieur. Le support artistique est donc un langage qui permet de se dire. Si une société relègue l’art à un passe-temps pour riches, on empêche la société de s’exprimer.
Ensuite, Marie-Françoise Meurisse, médecin et philosophe, coordinatrice de la plate-forme de concertation en santé mentale de la Province de Luxembourg, a présenté « L’usager, patient ou artiste ? ».
L’après-midi était scindé en deux parties, permettant aux participants d’assister à deux tables rondes parmi les trois proposées.
Est-ce que c’est de l’art ? Quel est l’apport de chacun dans la création ? Comment cela se traduit-il en pratique, au moment de la diffusion, de l’exposition ?
Avec Sophie Vandennieuwenbroeck, référente hospitalière à l’Hôpital Saint-Jean de Dieu, une usagère invitée, Françoise Dal, directrice du Créahm-Bruxelles, modération, Catherine Vanandruel.
Nos représentations (atelier participatif via les outils du théâtre image)
Quelle(s) image(s) avons-nous de l’usager ? Du soignant ? De l’artiste (intervenant en milieu de soins) ?
Avec Valérie Decruynaere et Sébastien Gratoir, comédiens-animateur de Goupil – Clown et Théâtre Action, Fanny Dubois, aide-soignante sociologue Solidaris, Dominique Schlechten, infirmière en chef adjointe de l’Hôpital Erasme.
Pourquoi se déplacer à domicile ?
Usager, patient, participant ? Animateur, artiste, référent ? Qui est qui, qui fait quoi ?
Santé, art et société : sommes-nous prêts ?
Avec Laurent Bouchain, référent culturel-projet 107, Région Hainaut, projet de réforme en santé mentale, Renelde Liégeois, fondatrice et directrice artistique des Docteurs Zinzins, asbl Lapsus Lasuli, Aline Rigaux de l’asbl l’Autre lieu, Claire Van Pévenage de l’antenne mobile de soins palliatifs pédiatriques de l’Huderf.
La synthèse de la journée, séance plénière et ateliers, fut effectuée par Mark Vanderveken, médecin, membre de l’AG de Culture et Démocratie.
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Emmanuelle Van Besien
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