Lancée voici un an, cette initiative connaît un essor fulgurant et au-delà du réseau européen, elle séduit particulièrement les patients sud-américains. À l’origine de ce beau projet, deux belges. Le Dr. Erard le Beau de Hemricourt et Mitchell Silva, bio-ingénieur. L’idée est de faire communiquer les patients entre eux, en dépassant les barrières linguistiques grâce à un traducteur instantané. Comme le dit le Dr. E. de Hemricourt, cela permet d’augmenter les chances de trouver son « jumeau médical ».
Il y a à peine un an, le site était testé en version ß. Aujourd’hui, Esperity.com existe en cinq langues : français, néerlandais, anglais, espagnol et portugais. Très bientôt, les patients et autres utilisateurs pourront utiliser la version en polonais, allemand, turc et italien et pourront ainsi rejoindre ce réseau mondial. Ses créateurs n’ont pas ménagé leur énergie ni leurs moyens pour mener à bien ce projet. Esperity.com fait le buzz sur la toile et a déjà fait l’objet de plusieurs récompenses, citations et prix depuis son récent lancement :
Hospichild a rencontré le Docteur Erard le Beau de Hemricourt, l’un des deux membres fondateurs d’Esperity.com.
Dr. E.de H. : Cela fait 5 ans que l’idée murit petit à petit. En fait, j’ai une double casquette, je suis médecin spécialisé en médecine nucléaire et également journaliste à mes heures perdues. J’écris, ou plutôt, j’écrivais, des articles de vulgarisation médicale destinés au grand public pour le compte de www.santenews.eu/a-propos/.
Dans ce cadre, j’étais obligé de me tenir au courant de l’actualité médicale, surtout ce qu’il se passe aux États-Unis, car tout va très vite là-bas. Or, il se passait une véritable révolution qui était menée, non pas par les médecins mais bien par les patients, qui aspiraient à plus d’autonomie et à plus d’importance aux yeux de la société et aux yeux des médecins, ce que l’on nomme en anglais, les « Patient Advocacy Groups » (voir www.eortc.org/links/patient-advocacy-groups) qui sont des groupes de patients désirant s’asseoir à la table des médecins pour discuter d’égal à égal. Ce qui est difficilement concevable en Europe, mais qui va arriver petit à petit, je l’espère.
De plus, avec les progrès thérapeutiques actuellement observés en cancérologie, on voit apparaître une nouvelle population, ce sont les « survivants » du cancer. Actuellement, cette population représente environ 14 millions d’individus aux États-Unis. Ce groupe devrait passer à 20 millions dans quelques années. Ce sont des gens qui, bien que guéris, souffrent encore de tous les effets secondaires de la chimiothérapie ou du stress psychologique lié à la crainte de la récidive tumorale. Ils ont encore des séquelles physiques et psychologiques de la maladie, présentent un risque de récidive toujours possible ou un risque de cancer secondaire dû au traitement. Donc, ils sont beaucoup plus sensibilisés par rapport au cancer que le reste de la population, même s’ils ne sont plus traités.
Tout ceci a favorisé la mise en marche d’un mouvement social qui prend de l’ampleur aux États-Unis et qui apparaît progressivement en Europe. J’ai voulu rebondir sur cette tendance et je me suis demandé ce que je pourrais faire en Europe pour pouvoir offrir une approche différente que celle proposée par les médecins.
Et dans le fond, c’est très simple ; qui connaît le mieux un patient et sa maladie, c’est un autre patient avec la même maladie. Un médecin ne peut pas embrasser tous les aspects de la maladie ; social, familial, médical et pécuniaire, c’est très complexe. Je me suis donc dit : « faisons communiquer les patients entre eux ».
Dr. E.de H. : À ce moment-là, j’ai travaillé l’idée, contacté beaucoup de gens de divers horizons. C’était complexe à mettre en place, cela n’a pas réussi du premier coup. Dans un premier temps, j’ai laissé tomber et j’ai rangé le dossier dans une armoire, pendant un an.
Dr. E.de H. : Oui, tout à fait ! L’élément déclencheur est arrivé en allant au fitness. J’avais un coach sportif avec lequel on parlait de musculation, de protéines, d’aspects médicaux de l’entraînement sportif.
Il m’a alors fait part de la volonté de l’un de ses amis de créer un site internet concernant l’alimentation du sportif. Je lui ai alors proposé mon aide. J’ai ainsi rencontré Mitchell, mon futur collègue.
D’emblée, je lui mets en main le gros paquet de documentation et de réflexion que j’avais remisé. Je lui ai dit : « Voilà, tu as une semaine pour parcourir ces 10 centimètres de dossier, dis-moi ce que tu en penses ! »
Dr. E.de H. : Après une semaine, il est revenu en me disant qu’il adorait l’idée. Un binôme se forme : un médecin francophone, un bio-ingénieur néerlandophone et on parle l’anglais, le français ou le néerlandais entre nous.
Dr. E.de H. : Esperity.com offre l’opportunité aux patients de communiquer, dialoguer entre eux. C’est vraiment un message d’espoir qu’on leur donne et qu’ils nous rendent de manière très gentille, notamment, via nos pages Facebook et Twitter.
Le patient en se connectant sur le site Esperity.com accède alors à une communauté fermée, il s’y inscrit généralement sous un pseudonyme. Le patient, en précisant son profil, peut alors rencontrer un « jumeau médical », une notion que Mitchell et moi avons créée. À ce moment-là, les patients peuvent communiquer via des messages privés ou via des communautés, comme les pages que l’on retrouve par exemple sur Facebook.
Dr. E.de H. : Oui, c’est aussi son originalité.
Le premier volet c’est l’aspect social et l’échange entre les patients, la sortie de l’isolement social et émotionnel.
Le second angle, c’est la récolte des données que les patients encodent à propos de leur qualité de vie comme par exemple leur qualité de sommeil, l’appétit, la pratique d’une activité sportive ou sexuelle, les effets secondaires dus aux traitements, selon des normes médicales établies. Cela permet au patient de suivre sa maladie de près et de pouvoir échanger ses expériences avec d’autres souffrant des mêmes effets secondaires que lui.
D’autre part, toutes ces données transmises anonymement seront analysées, c’est le troisième volet d’Esperity, celui de la recherche. C’est une base de données extrêmement riche qui nous permettra d’analyser les impacts des traitements sur la vie du malade et ceux du mode de vie du malade sur la maladie. Et finalement, le but, c’est de pouvoir vivre le mieux possible durant et après la maladie. Il est très important de souligner que tout est réalisé afin de respecter la vie privée et la sécurisation des données. On demande expressément aux patients de ne pas donner de nom réel ou de photos et les données sont toutes encryptées ! Le but est finalement de mieux comprendre ce qu’on peut faire pour soulager les patients en analysant leur qualité de vie, leurs plaintes en fonction de leur profil spécifique (localisation, type de cancer, âge, etc …). Il reste encore tellement à apprendre sur le cancer et surtout sur le patient lui-même !
Et le dernier aspect, c’est l’éducation du patient, l’empowerment, l’aider à se prendre en charge par la connaissance de sa maladie. Les études démontrent l’importance du moral sur la guérison.
Dr. E.de H. : Bien entendu ! D’ailleurs, on s’inscrit sur Esperity.com via différents profils : patient, survivant, soignant ou autres. Les parents, proches, ou même les personnes intéressées par la thématique peuvent donc se connecter au réseau. Pour les parents d’enfants malades, cela représente aussi un canal par où faire passer leurs émotions, leurs peurs, leurs espoirs, qui soit autre que celui de la famille et en dehors du milieu hospitalier ou médical. Et aussi de se tenir informé de toute l’actualité médicale oncologique, qui progresse énormément.
Nous vous remercions pour cet entretien et souhaitons bon vent sur les cinq continents à Esperity.com !
https://www.facebook.com/esperity?fref=ts
Propos recueillis par Emmanuelle Van Besien, coordinatrice Hospichild
Emmanuelle Van Besien
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Hospichild est une initiative des Ministres bruxellois en charge de la santé