Sortie littéraire : « Les Dragons » redonne de l’humanité aux ados en souffrance

Parmi le flot des livres de la rentrée littéraire, il y en un, bien de chez nous, qui aborde la thématique des adolescent.e.s en souffrance : « Les Dragons » de Jérôme Colin. Et c’est une vraie pépite, authentique, poignante, qu’il faudrait mettre de toute urgence entre les mains des parents, des accompagnants et de tous les « dragons », ces jeunes, de plus en plus nombreux, en difficulté psychique.  

« Les gamins souffrent de plus en plus. Il va falloir s’en inquiéter. La pandémie a laissé des traces. Pour ceux qui étaient déjà dans une forme de retrait social, tout s’est effondré. Ils se sont désinvestis de tout et sont aujourd’hui incapables de se raccrocher. Ils ne veulent plus sortir de chez eux. C’est un cercle vicieux que nous devons briser car la vie sans les autres est mortifère. (…) On a des gamins qui font des tentatives de suicide à treize ans, des cas d’anorexie graves chez des jeunes filles de douze ans. On ne voyait pas ça avant ou de manière exceptionnelle. Les phobies scolaires explosent… »  Cet extrait du roman très poétique de Jérôme Colin, journaliste et auteur bruxellois, souligne l’ampleur du problème et la nécessité de ne pas se taire face à toutes ces souffrances.

« Le monde, en réalité, est peuplé de dragons »

Dans ce récit qu’on pourrait penser autobiographique – mais qui ne l’est pas – l’auteur, qui était lui aussi un jeune en colère et révolté, veut véhiculer un message principal : « Le monde, en réalité, est peuplé de dragons ». Il entend par là que les adolescent.e.s en difficulté psychique, qui sont quelques fois contraint.e.s de fréquenter des centres de soins, sont plus légion qu’on ne le croit. Il veut donner espoir aux jeunes et les inciter à ne pas rester seuls et à ne pas perdre espoir. Il écrit : « Il faut raconter pour que ces enfants sachent que leur mal-être n’est pas une fatalité. Que l’avenir est chargé de promesses. Qu’un jour, l’autre apparaît et bouleverse tout. »

Jérôme et Colette, les voix de tous ces jeunes en souffrance

Jérôme Colin, le présentateur de « Hep Taxi », donne vie, dans son troisième roman, à deux personnages poignants : Jérôme et Colette. Le premier a 15 ans, en colère contre ses parents, violent, en décrochage scolaire, qui n’a plus le goût à rien. La deuxième a 18 ans, est anorexique et vient de se taillader les poignets (jonchés d’écailles de dragon). Ils se rencontrent dans la maison d’ados « Horizon + » qui est « un centre psychiatrique proposant des soins pour adolescents de 13 à 18 ans et dont l’objectif est de répondre à tout type de crise et de problèmes psychiques. » Il a un coup de foudre, mais elle ne pense qu’à une seule chose : mourir. Jérôme veut la sauver et partir avec elle pour vivre dans « une petite maison avec des tas de fenêtres ». La réalité est autrement plus sombre et il devra s’y faire. Mais quoi qu’il en soit, cette rencontre va bouleverser sa vie et lui donner la force de se battre. 

Il suffit parfois d’un déclic, d’une personne, d’un livre… pour que tout change

Au sein du récit, Jérôme pensait que tout était vain et perdu d’avance, mais son séjour dans cette maison d’ados va tout changer. Et pas que grâce à Colette. En effet, plusieurs déclencheurs vont en quelque sorte le sauver. Il y a d’abord la rencontre avec le psychologue qui, pour une fois, ne l’a pas pris pas pour un idiot et a su poser les bons mots : « C’est normal que vous vous retranchiez dans vos chambres parce que c’est ce que fait le monde. Il se recroqueville. Et il a tort. (…) Il faut arrêter de toute urgence de dire aux gens ‘pensez à vous !’. Il faut leur dire ‘Comment pouvons-nous nous rencontrer ?’ (…) L’échange est la seule voie possible vers la réparation. » Et puis, il y a eu l’atelier d’écriture où il s’est découvert le talent de raconter : « Ne vous inquiétez pas pour l’orthographe ou la grammaire. On a le droit de faire des fautes. On n’a pas le droit de taire ce qui est en nous. » Et enfin, un livre en particulier l’a bouleversé, « Des souris et des hommes » de John Steinbeck, dont il a retenu quelques phrases clé : « Quand l’incroyable viendrait enfin à advenir »  ; « La force est d’aimer le faible » ; « Ce qui compte, c’est parler. C’est être avec un autre. Voilà tout. »

Sofia Douieb

→ « Les Dragons » est disponible dans toutes les librairies.

↓ Une des interviews de Jérôme Colin sur son livre « Les Dragons »

 

 

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