« Elle est super ta soeur » : quand la fratrie et le handicap s’invitent sur scène

Le week-end dernier, Hospichild a eu l’opportunité, par le biais de l’asbl FratriHa (projet de sensibilisation, de soutien et d’information à destination des fratries de personnes déficientes intellectuelles), d’assister à la pièce de théâtre « Elle est super ta soeur », de la toute jeune compagnie ‘Un soir d’été’. Magali Zambetti, la benjamine de la famille, a livré, seule sur scène, son ressenti, ses souvenirs, ses joies et ses peines face à la trisomie de sa grande soeur Céline et face au handicap en général. Un spectacle rempli d’émotions, de rires et de vérités sur le quotidien par toujours facile à vivre de ces fratries souvent dans l’ombre. 

handicap fratrie
© Cie ‘Un soir d’été’

 

Dans la pénombre de cette petite salle improvisée dans les locaux de l’asbl FratriHa – qu’Hospichild connait bien pour lui avoir déjà consacré un focus-, la joie d’à nouveau assister à un spectacle était palpable. Quand Magali est arrivée sur scène, son regard a immédiatement figé l’assistance. Tout le monde savait qu’elle allait nous parler de sa soeur Céline et de son chromosome supplémentaire. Mais aussi de sa vie à elle et de son statut de « soeur de ». De la vie de son autre soeur Delphine aussi, et puis de leurs parents. De tous ceux, finalement, qui vivent la même situation et qui se reconnaîtront certainement dans les propos de Magali… Cette pièce, c’est « un cri contre l’individualisme, le repli sur soi et les gens négatifs ; une déclaration d’amour à la différence ».

Punchlines incisives sur la perception du handicap

Tout au long du spectacle, la comédienne n’a pas eu peur de dire ce qu’elle pensait; autant à sa soeur qu’à tous ces « cons » qui « collent des étiquettes sur les personnes plutôt que sur les pots ». Elle a évoqué, de manière drôle et sensible, des situations parfois complexes et dérangeantes, tels que ces regards insistants des gens au restaurant ou le fait que le serveur ne s’adresse pas directement à elle, comme si elle n’allait pas comprendre… « J’aimerais que vous regardiez Céline comme vous me regardez aujourd’hui », a notamment lancé Magali. Nombreux ont été les moments d’émotion, souvent mêlés à l’humour. Je pense par exemple aux enregistrements audio de Céline qui ont été diffusés pendant le spectacle : « La trisomie ça fait partie de moi depuis la naissance »… Et puis quand la comédienne parle de la différence, de l’inclusion, du handicap au sein de la société et qu’elle s’indigne que les gens ne soient pas encore assez ouverts ; et qu’après, elle affirme, comme si elle parlait à sa soeur : « Moi j’ai un avis, toi tu sais ». 

Quid de l’après, quand les parents ne seront plus là ?

Entre deux anecdotes sur sa soeur (comme sa passion pour Stéphane Bern, pour la danse, pour Christophe Maé…), Magali a évoqué un sujet tabou dans les familles confrontées au handicap : la responsabilité des frères et soeurs lorsque les parents ne seront plus là. Cette problématique, Eleonore Cotman, fondatrice de FratriHa, en avait parlé lors de notre interview avec elle : « Les fratries adultes se demandent souvent comment vivre leur vie de couple ou de famille en intégrant leur frère/sœur, comment s’organiser une fois que les parents ne seront plus là, et aussi, la place qu’ils ont en tant que fratrie au sein des institutions. » Dans sa pièce, Magali s’inquiétait de savoir si elle allait devoir « remplacer » sa maman avec qui Céline a une relation extrêmement fusionnelle ; elle s’inquiétait du contact qu’elle allait avoir avec l’institution spécialisée ; elle s’inquiétait des multiples allers-retours vers le centre : « Aller la chercher au centre, lui faire à manger, s’occuper d’elle, la reconduire au centre ; aller la chercher au centre, lui faire à manger, s’occuper d’elle, la reconduire au centre ; aller la chercher au centre… », a répété une dizaine de fois la comédienne en tournant à toute vitesse sur la scène. 

Hommage à tous ces laissés pour compte

À la fin de la pièce, Magali a tenu à mettre en avant toutes ces personnes avec un handicap qui ont bien plus de choses à nous apprendre qu’on ne le pense et qui débordent souvent d’humour et de joie de vivre. Elle les a citées une à une avec chaque fois une anecdote vécue : « Je pense à unetelle qui, au moment de prendre le bus a suggéré qu’on prenne plutôt l’hélicoptère ; je pense à untel qui demande constamment combien d’étoiles scintillent dans le ciel ; … » Le but de cette pièce est d’ailleurs de braquer un projecteur sur le handicap afin qu’il fasse enfin partie de la société et que les gens ne soient plus choqués ou dérangés par la présence de la différence. Au moment de l’échange avec le public, après la représentation, Magali parlait avec envie de l’association québequoise « Personne D’Abord » et de tout ce qu’ils accomplissent au sein de leur ville. Là-bas, l’inclusion est apparemment partout et ne pose plus de souci. Une réalité qui, espérons-le, aura peut-être un écho chez nous, un jour…

→ Le spectacle sera en tournée tout l’été. Pour en savoir plus, rendez-vous sur la page Facebook de la compagnie ‘Un soir d’été’.

 

Sofia Douieb

 

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