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Dynam’Autes a cinq ans et veut (toujours) « créer du lien dans les moments creux » de la prise en charge des jeunes autistes

Constituée en asbl en 2018, Dynam’Autes est un service d’accompagnement, de loisirs et de répit pour enfants et adolescents (de 3 à 16 ans) porteurs de troubles du spectre de l’autisme. Une association qui vient tout juste de fêter ses cinq ans d’existence ! Il y a deux ans, Samuel Engels, directeur et éducateur (qui vient de quitter ses fonctions), et Armonie Offermans, éducatrice, étaient venu dans les locaux d’Hospichild pour parler de Dynam’Autes, mais également de la prise en charge de l’autisme en général. 

Dynam'Autes asbl
Dans les locaux d’Hospichild ; l’équipe de l’asbl Dynam’Autes : Samuel Engels, directeur et éducateur, et Armonie Offermans, éducatrice.   Crédit photo : Sofia Douieb

 

Après avoir constaté un manque criant d’activités extra-scolaires adaptées pour les enfants avec autisme, plusieurs membres de l’école ‘Les Astrôn’Autes’, établissement spécialisé de type 2, ont décidé de créer l’asbl Dynam’Autes. D’abord gérée de manière bénévole, l’asbl est, depuis peu, subsidiée par le service Phare et Cap 48. Elle est à présent reconnue  comme service d’accompagnement, de loisirs et de répit pour les jeunes autistes. Pour nous en parler, Samuel et Armonie, éducateurs spécialisés de formation et engagés professionnellement dans l’asbl, se livrent sans filtre et avec passion sur leur implication auprès de ces enfants hors du commun.

{Interview effectuée en 2020}

De l’urgence de pallier le manque d’activités extrascolaires pour les enfants autistes

En tant que service d’accompagnement, de répit et de loisirs, Dynam’Autes articule ses activités autour de cinq missions de base : accompagner les enfants dans l’acquisition de nouvelles compétences dans un objectif d’inclusion, améliorer l’accueil et la prise en charge de ces enfants en créant du lien par exemple, dispatcher l’information à propos de l’autisme via divers canaux de communication, organiser des périodes de loisirs inclusifs et, finalement, sensibiliser et démystifier le handicap par différents biais.

Quelles activités proposez-vous Au sein de l’asbl ?

Samuel : « Jusque fin 2019, l’asbl proposait uniquement des activités ponctuelles, telles que des journées d’échanges autour de la thématique, des activités destinées à récolter des fonds, un stage inclusif avec quatre enfants autistes dans un groupe d’une quarantaine de jeunes. Mais ces initiatives n’étaient pas systématiques et trop dispersées dans le temps et ne répondaient pas vraiment au besoin de prise en charge extrascolaire sollicité par de nombreux parents. 

Le fait d’avoir obtenu des subsides nous permet à présent de professionnaliser nos activités afin d’en proposer tout au long de la semaine aux enfants concernés.

Mais nous ne sommes que dans la phase préparatoire pour le moment… Et nous n’avons même pas encore de local ! Ce qui ne nous empêche pas d’organiser une formation (répartie sur 1 an) d’animateurs d’enfants autistes en milieu extrascolaire, ainsi que des journées de sensibilisation à l’autisme dans les écoles supérieures. »

POUVEZ-VOUS DÉCRIRE À QUOI RESSEMBLERA UNE SEMAINE TYPE CHEZ DYNAM’AUTES ?

Samuel : « Une fois qu’on sera prêt et qu’on aura un lieu pour accueillir les enfants, Dynam’Autes proposera différents type d’activités tout au long de la semaine. Hors vacances scolaires, les mardis et les vendredis seront consacrés à l’accompagnement; c’est à dire qu’on va rencontrer les familles, préparer les outils pour accompagner au mieux les enfants… Les mercredis après-midis, nous envisageons de nous rendre au sein des écoles pour proposer des activités. Les jeudis seront consacrés au répit; donc une prise en charge des jeunes (deux à la fois) toute la journée. Et enfin, les samedis, des loisirs variés seront proposés. 

Lors des vacances scolaires, plusieurs stages seront organisés. Par exemple, un séjour résidentiel de trois jours avec cinq enfants autistes (non inclusif), ou cinq jours non inclusifs d’activités et de loisirs dans nos locaux, ou encore, toute une semaine d’activités en inclusion dans nos locaux…

Quels sont vos projets à court ou moyen terme ?

Samuel : « Le but escompté est d’obtenir l’agrément pour devenir officiellement le 2e service d’accompagnement de l’autisme à Bruxelles (à côté du SUSA).

En 2021, il faudra donc montrer que notre projet tient la route et qu’on est réellement en mesure d’appliquer les directives qui incombent à ce statut. Nous voulons également engager une troisième personne dans l’asbl pour renforcer notre petite équipe. » 

Patience et travail en équipe : les maîtres-mots de la prise en charge de l’autisme

Samuel et Armonie s’investissent, depuis leur sortie de l’école, dans l’accompagnement d’enfants autistes. Tous les deux ont fait des stages au SUSA et ont tout de suite, ou presque, ressenti l’intérêt de poursuivre dans cette voie. Le métier, qui est plutôt une vocation, est loin d’être facile et demande un effort de chaque jour. Patience et travail en équipe seraient les clés pour s’investir de la meilleure des manières.

Pourquoi Former des animateurs; Y a t-il un manque de ce côté-là ?

Samuel : « J’ai l’impression que ce n’est pas compliqué de trouver des personnes qui ont envie de travailler avec des jeunes en situation de handicap, mais c’est plus compliqué de trouver celles ou ceux qui ont le bon outil pour agir sur leur comportement ou leur apprentissage. C’est la raison pour laquelle on a décidé de former, avec des formateurs qualifiés, des animateurs qui feront des stages chez nous et qui, ensuite, pourront – ou non – rejoindre la team Dynam’Autes. » 

QUELs sont VOs PARCOURS PROFESSIONNELS ?

Armonie : « Nous avons tous les deux étudié à l’école Defré; un établissement qui forme des éducateurs spécialisés. Pendant nos études, on a fait des stages et du bénévolat au SUSA, service d’accompagnement de l’autisme. Ensuite, Samuel a été engagé en tant qu’éducateur à l’école spécialisée ‘Les Astrôn’Autes’, et moi, j’ai travaillé à l’IRSA (CJENS) avec des enfants et des jeunes déficients sensoriels en situation de grande dépendance (non scolarisés). Et finalement, depuis le début de cette année, on se consacre tous les deux à l’asbl Dynam’Autes. »

Quelles ont été vos motivations à travailler dans ce milieu ?

Samuel : « Le premier jour où j’ai été confronté à l’autisme, c’était au SUSA, où j’ai effectué un ‘jour test’. Je me souviens m’être dit ‘plus jamais je reviens ! ». Mais après  coup, j’ai pris conscience que ce travail peu commun pourrait être vraiment riche. Il y a de la réflexion, du travail d’observation, de l’apprentissage sur tout ce qui se passe… Il faut aussi beaucoup de patience et veiller à toujours travailler en équipe pour les cas d’urgence ou pour continuellement échanger nos impressions sur les comportements de tel ou tel enfant. Au fur et à mesure donc, c’est devenu une véritable vocation. »

Armonie : « Je me souviens également de ma première journée au SUSA. Je suis rentrée dans cette salle et j’ai vu des enfants complètement repliés sur eux-mêmes, dans leurs bulles, sans aucune perception du monde extérieur… Pour moi qui n’avais jamais été confrontée à ça, c’était vraiment mystérieux. J’ai alors ressenti l’envie de les comprendre et de rentrer dans leur univers.

Par après, je me suis aussi rendue compte qu’il y a tout un travail réflexif et créatif, qu’on doit toujours se remettre en question parce que si quelque chose marche un jour, ça ne sera pas forcément le cas le jour d’après… Cette patience de chaque instant peut être difficile à supporter pour certaines personnes et c’est pourquoi je suis persuadée qu’un tel travail ne tolère pas l’entre-deux ; soit la personne est passionnée, soit elle ne l’est pas du tout. »

« Le diagnostic précoce peut permettre d’éviter de nombreuses situations complexes »

En décembre dernier, le Gamp et Infoautisme annonçaient que, par leur impulsion, une proposition de résolution a été déposée au Parlement bruxellois par la députée régionale Céline Frémault. En substance, et si elle est acceptée, cette résolution permettra de renforcer le dépistage précoce de l’autisme.

J’imagine que vous soutenez les actions auprès du politique, notamment entamée par le Gamp ou Inforautisme ? (Ex : résolution pour renforcer le dépistage précoce de l’autisme)

Samuel : « Je soutiens à fond l’initiative parce qu’on sait bien qu’au plus tôt l’enfant est diagnostiqué, au plus la prise en charge peut être rapide et adaptée. Il est clair que les enfants pris en charge précocement apprennent beaucoup plus vite et ont davantage d’outils pour suivre une scolarité adaptée.

Je me souviens que quand l’école ‘Les Astrôn’Autes’ a ouvert ses portes, on a accueilli des enfants autistes de 10 ans qui n’avaient encore jamais été pris en charge dans un centre ou une école, et je peux vous dire que c’était la guerre… Parce que du jour au lendemain, ils doivent passer de l’isolement de leur chambre à un environnement cadré et organisé avec d’autres enfants. Dans ces cas-là, l’adaptation devient une véritable violence. 

Que faudrait-il encore améliorer, selon vous, dans la prise en charge des enfants autistes ?

Samuel : « Déja, sur les trois ans d’études pour être éducateurs spécialisés, il n’y a pas, ou très peu, de sensibilisation ou de formation à l’autisme. Un constat qui vient tout juste d’être confirmé par un professeur de l’école Defré où on va se rendre prochainement pour parler de la problématique aux étudiants.

Ensuite, il faut aussi parler du manque criant de places dans les écoles spécialisées. Pendant que l’enfant reste chez lui au lieu de fréquenter un centre adapté ou une école spécialisée, il peut perdre ses acquis et régresser dans son ‘autonomie’.

Dynam’Autes cherche justement, par ses activités et son accompagnement, à créer du lien en comblant les creux créés, notamment, par le manque de places dans les structures d’accueil. 

Et enfin, il est important d’évoquer la problématique des transports scolaires. Certains enfants passent parfois deux heures dans des bus pour rentrer chez eux, parce qu’aucune école spécialisée est à proximité de leur domicile… Ce qui engendre parfois des comportements agressifs chez certains enfants. C’est pourquoi nous avons proposé, tous les mercredis après-midi, de nous déplacer dans les écoles pour les activités extra-scolaires. Cela ne va pas régler le problème bien sûr, mais je pense que l’initiative permettra de répondre à un réel besoin, car cela diminuera un peu la contrainte des transports, ça donnera aux parents la possibilité de souffler un peu plus longtemps, aux enfants de rester dans un milieu connu et familier… Parce qu’en général, aucune garderie n’est prévue pour ces enfants-là. 

 

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10 ans pour la Casa Clara : toujours plus de répit pour les proches d’enfants malades ou à besoins spécifiques

Cette année, la Casa Clara a fêté ses 10 ans d’existence. Pour l’occasion, l’asbl offrant du répit aux proches d’enfants gravement malades ou en situation de handicap a organisé une petite fête dans ses locaux. Ce fut l’occasion, pour Hospichild, de refaire un point avec Fanny Calcus, fondatrice et coordinatrice de l’initiative. 

La Maison de l’Aidance – Portes ouvertes Casa Clara – Photo : Sofia Douieb

 

« C’est parti d’un manque que j’ai ressenti quand notre fille Clara était gravement malade, confiait Fanny Calcus lors de l’interview des cinq ans de l’asbl. C’était du soin et de l’accompagnement 24h/24 et il devenait primordial de souffler un peu. J’ai donc cherché un endroit en dehors de l’hôpital où je puisse rencontrer d’autres parents, me sentir moins seule dans ce parcours du combattant et aussi un endroit où je pourrais me ressourcer. Mais un tel lieu n’existait pas… J’ai donc décidé de créer la Casa Clara, un endroit où l’on peut se retrouver entre parents pour boire un café et plus si affinité ; se faire masser si on a envie, se détendre dans la salle de relaxation… C’est donc une combinaison entre la rencontre et le bien-être. » Cinq ans plus tard, la Casa Clara se porte à merveille et parvient à offrir de plus en plus de répit aux proches qui en ressentent le besoin. Mais ce qui manque encore à l’appel et qui fragilise l’asbl, c’est un financement structurel, a notamment confié Fanny Calcus dans cette nouvelle interview, cinq ans après, pour les 10 ans de la Casa Clara. 

Comment se porte la Casa Clara après 10 ans d’existence ?

La Casa Clara se porte plutôt bien ! D’abord parce que nous touchons de plus en plus de familles (entre 35% et 40% de nouveaux bénéficiaires sur une année) et ensuite parce que la notion de répit est davantage valorisée et mise en avant par les professionnels du secteur pédiatrique. Il est désormais admis qu’autant l’enfant à besoins spécifiques ou atteint d’une pathologie lourde, que ses parents ou ses frères et sœurs aient tous besoin de ces moments de répit. Bien sûr, il y a encore un long chemin à faire, mais c’est plutôt rassurant d’avoir une marge de progression. Malgré ces constats positifs, une ombre plane encore au dessus de l’asbl : l’absence de financements structurels. Ce qui veut dire que nous devons chaque année refaire une demande de subsides sans être sûr que ce soit renouvelé. 

La notion de répit est davantage valorisée et mise en avant par les professionnels du secteur pédiatrique

Aux 10 ans de la Casa Clara – Photo : Sofia Douieb

Qu’est-ce qui a changé ou évolué depuis l’inauguration du local bruxellois il y a 5 ans ?

Depuis que la Casa Clara s’est installée à Bruxelles, son réseau s’est considérablement élargi. De plus en plus de professionnels nous recommandent auprès de ceux qu’ils accompagnent. La proximité des transports a grandement facilité l’accès et permet à plus de monde de bénéficier de nos massages ou autres moments de répit. Notre campagne de Grimbergen nous manque parfois, mais c’était le bon choix à faire. Notre offre s’est également diversifiée, surtout ces trois dernières années : bulles de répit individuelles, bulles de répit en binômes, séances d’accompagnement parents-enfants en situation de polyhandicap, événements familiaux, snoezelen, espace de relaxation aquatique…

Combien de parents et de fratries bénéficient des moments de répit chaque année ?

En moyenne, chaque année, on dénombre 35% de nouveaux bénéficiaires. Sur l’année 2022, il y a eu une belle augmentation avec 413 bénéficiaires, dont 65% de parents (avec 90% de mamans), 20% de fratries et 11% d’enfants en situation de handicap ou avec une pathologie. Ponctuellement, d’autres aidants proches peuvent également bénéficier de temps en temps de nos moments de répit. 

Les membres du personnel sont sûrement plus nombreux, qui sont-ils ? Sont-ils tous bénévoles ?

Mon rôle de coordinatrice à mi-temps a pu se concrétiser officiellement grâce à un soutien de la Cocof. Les accompagnant.e.s, très stables depuis 3-4 ans, sont des prestataires externes. Nous tenons beaucoup à ce que ce soit les mêmes personnes, massothérapeutes pour la plupart, qui travaillent à la Casa Clara afin de maintenir un certain lien de confiance avec les bénéficiaires. Car le répit sans la confiance, ça n’a pas vraiment de valeur. Il y a aussi deux bénévoles en support administratif et recherche de fonds, ainsi que d’autres bénévoles occasionnels selon les activités organisées.

Le répit sans la confiance, ça n’a pas vraiment de valeur

Quels sont les autres associations avec lesquelles vous collaborez régulièrement ?

Le réseau de la Casa Clara s’est tellement élargi que ce serait compliqué de citer toutes les associations ou professionnels qui adressent des familles chez nous. En revanche, la Casa Clara entretient des liens étroits et privilégiés avec les autres occupants de la Maison de l’Aidance : l’asbl Aidants Proches Bruxelles et Jeunes Aidants Proches, FratriHa, SAM le réseau des Aidants… Ensemble, nous organisons régulièrement des événements communs. D’autres collaborations se sont également concrétisées avec d’autres organismes qui nous demandent d’organiser des journées de répit à la Casa Clara pour leurs usagers. 

Espace de relaxation de la Casa Clara – Photo : Sofia Douieb

Quels retours recevez-vous de la part des bénéficiaires ? Quelques exemples de témoignages ?

Globalement, les retours sont toujours très touchants. Beaucoup témoignent du fait qu’ils ne se rendaient pas compte d’à quel point ces moments de répit pouvaient leur être bénéfiques. Parmi tout le positif exprimé, il y a souvent un regret pour les bénéficiaires de ne pas pouvoir venir plus souvent (un moment de répit par 3 mois au minimum) ou que le « concept » de la Casa Clara ne soit pas repris ailleurs pour pouvoir recevoir encore plus de monde. Mais déjà avec un seul endroit, l’organisation est compliquée et les subsides sont incertains donc ce serait compliqué de « faire des petits ». 

Beaucoup témoignent du fait qu’ils ne se rendaient pas compte d’à quel point ces moments de répit pouvaient leur être bénéfiques

Que peut-on souhaiter à la Casa Clara pour les 10 prochaines années ?

Notre vœu le plus cher est d’obtenir un financement structurel pour enfin dormir sur nos deux oreilles et moins s’inquiéter de l’avenir. Ce serait tellement beau également d’avoir les ressources suffisantes pour ne plus devoir limiter l’offre. En outre, il est primordial pour nous de consolider les projets et initiatives déjà mis en place ces dernières années, ainsi que de réussir à engager un mi-temps supplémentaire pour la gestion et la coordination. 

 

Propos recueillis par Sofia Douieb

 

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Asfalia, nouveau « jeu-conte » interactif, aide les enfants à appréhender leurs émotions

Asfalia est un nouveau jeu vidéo d’un genre un peu particulier destiné aux enfants de 6 à 10 ans. Ce « jeu-conte », qui s’accompagne d’un jeu de cartes éducatif, invite les enfants à la compréhension et à l’expression de leurs émotions. Hospichild l’a testé pour vous et a interviewé son créateur : Jean-Gobert de Coster.

Zaki, testeur du jeu vidéo Asfalia – Photo : Sofia Douieb

 

L’idée de ce jeu-conte qu’Hospichild a fait tester à un petit cobaye de l’équipe, est de faire déambuler un enfant nommé Charlie au cœur même de ses émotions et, plus particulièrement, de sa colère (d’autres émotions seront traitées plus tard dans les prochains jeux Asfalia). Dans cet univers de la colère, le personnage doit franchir des obstacles, participer à des épreuves, aider les personnages à se sortir de situations difficiles… Le petit Zaki, qui ne voulait plus s’arrêter de jouer, a particulièrement apprécié les superbes dessins colorés, les épreuves inventives, les personnages attachants qui donnent envie de les aider, les petites histoires bien racontées et pas trop longues… Mais qu’en est-il des coulisses du jeu et de sa conception ? Hospichild a voulu en savoir plus auprès du créateur d’Asfalia, Jean-Gobert de Coster, aussi administrateur délégué du studio Funtomata qui a développé le jeu. 

Comment vous est venue l’idée d’un tel jeu ?

Pendant le confinement, je me suis rendu compte que je voulais que mes filles jouent à des jeux plus intéressants et pouvant leur apporter autre chose que du simple divertissement. Ayant les compétences et la pratique dans le domaine du développement de jeux vidéos, cela faisait un moment que j’avais l’idée de développer un jeu avec mon propre concept, mais le déclic est vraiment arrivé au moment de la pandémie. J’ai donc créé, en 2020, le studio indépendant Funtomata, qui réinvente le monde des contes. Nous proposons ainsi des expériences vidéo-ludiques interactives, en combinant le plaisir de jouer à un jeu vidéo, la narration d’une histoire qualitative et l’éveil éducatif et sociétal.

Étiez-vous épaulé par des professionnels de la santé ?

Notre équipe est accompagnée de professionnels de l’enfance (consultants et coachs en émotions) afin d’aborder le plus justement possible des thématiques complexes, tout en les intégrant dans un univers féerique. Nous avons également demandé l’avis d’une scénariste pour nous aider dans la création et la cohérence du conte. Une spécialiste des émotions, installée au Québec, a aussi été consultée.

Parlez-nous d’Asfalia ; à qui s’adresse-t-il en priorité ?

Asfalia est un jeu fun et coloré basé sur les émotions. Le personnage principal, Charlie, explore ce monde mystérieux, peuplé de curieux habitants et menacé par un danger imminent. Le but est de résoudre les énigmes et collecter des autocollants pour sauver cet univers intérieur (la colère par exemple). Il s’agit donc d’un genre de conte 4.0 essentiellement destiné aux enfants de 6 à 10 ans. Mais cette tranche d’âge est assez indicative, car il peut également convenir à des enfants plus jeunes s’ils sont accompagnés, ou même à des adolescents qui peuvent très bien se prendre au jeu également. Il s’adresse aussi aux parents, instituteurs, éducateurs, pédopsychiatres, psychologues et toutes autres personnes désireuses d’accompagner les enfants dans leur développement personnel. 

Pouvez-vous décrire quelques épreuves à traverser virtuellement ? En quoi cela peut-il aider les enfants à gérer leurs émotions ?

Tout au long du voyage au cœur des émotions, l’enfant fera la rencontre de curieux personnages… Il y a par exemple Endymion, le saumon DJ, qui est chargé de délivrer les autres saumons coincés dans la rivière de lave. Mais ces saumons attendent patiemment et vivent leur frustration de manière plutôt positive en faisant la fête en attendant de pouvoir rejoindre leur habitat naturel. Ils font beaucoup de bruit et dérangent le grand cactus qui est de plus en plus irrité… Il est question ici de faire prendre conscience à l’enfant que la colère peut venir de différentes sources et qu’il faut trouver des moyens pour appréhender cette émotion. 

En quoi pourrait-il être utile pour les enfants hospitalisés ?

Forcément qu’Asfalia n’est pas un médicament et s’il peut ne serait-ce qu’apporter un minimum à l’enfant qui y joue, je serais déjà enchanté. J’ai envie de donner un exemple de personnage qui est « la balle » pour illustrer la manière dont un enfant coincé à l’hôpital et en colère de sa situation, pourrait éventuellement contourner ou vivre plus sereinement son émotion. « La balle » est coincée dans les sables mouvants et ne peut donc pas jouer avec son ami la plante carnivore. Charlie est chargé de venir l’aider, avec une baguette magique, à sortir de cette situation pour qu’il puisse continuer à jouer. Ici Charlie peut être vu comme le médecin qui va venir aider l’enfant à s’en sortir… 

Un jeu de cartes avec le même personnage existe également, pouvez-vous en parler ?

À côté du jeu vidéo, un jeu de cartes est également disponible pour approfondir le sujet des émotions à la maison ou à l’école. Ces cartes thématiques permettent notamment de mettre l’accent sur un personnage ou un autre du jeu vidéo et demander à l’enfant ce qu’il en a retenu, s’il est d’accord avec ce qu’il fait, s’il se reconnait un peu dans son comportement… D’autres cartes « observations » (dans le même jeu) sont de trois sortes : celles qui nomment simplement une émotion, celles qui représentent des positions corporelles et les dernières qui permettent de mettre des mots sur les ressentis intérieurs. Ce jeu de cartes peut être utilisé comme un outil de communication avec l’enfant qui ne sait pas toujours mettre des mots sur ses émotions, mais qui ressent parfois simplement des choses qu’il va pouvoir ainsi mieux analyser et comprendre. 

→ Pour télécharger le jeu VIDÉo et acheter le jeu de carte, consultez le SITE WEB ASFALIA 

Propos recueillis par Sofia Douieb

 

↓ Regarder le trailer du jeu vidéo Asfalia

Santé mentale à Bruxelles : réalités et perspectives, un parcours de dingue

Ce colloque organisé par la Plateforme Bruxelloise pour la Santé mentale s’est tenu durant trois jours, les 6, 7 et 8 décembre 2022, réunissant de très nombreux acteurs de terrain et des experts. L’équipe d’Hospichild – Born in Brussels a assisté à la première journée, plus axée sur les thématiques de la périnatalité, de l’enfance et de l’adolescence. Voici notre compte-rendu.

Le programme de ce colloque était riche et dense et a permis de réaliser un tour d’horizon des institutions et pratiques qui ont vu le jour dans le champ de la santé mentale bruxelloise au fil de ces dernières années. Avec l’accroissement de la population et sa grande diversité culturelle, la pandémie du Covid 19, la guerre en Ukraine et la crise énergétique, les acteurs de la santé mentale axés sur la périnatalité, l’enfance et l’adolescence ont vu leurs services très fortement sollicités. Les groupes de travail se multiplient, la réflexion foisonne pour juguler les manques et mieux articuler les soins en Région bruxelloise.

  • La Plateforme Bruxelloise pour la Santé Mentale
  • Bru-Stars, le réseau de santé mentale enfants & adolescents
  • Atelier : la périnatalité aujourd’hui, nouvelles avancées dans ce domaine
  • Enjeux et défis actuels en périnatalité
  • À propos du concept de troubles neurodéveloppementaux en santé mentale

La Plateforme Bruxelloise pour la Santé Mentale

En introduction de la journée, le Dr. Stefan Van Muylem a rappelé l’itinéraire de la Plateforme Bruxelloise pour la Santé Mentale qui fut créée en 1990 à l’initiative des autorités fédérales. La plateforme est agréée depuis la 6ème réforme de l’État de 2014 par la Commission communautaire commune (Cocom). Cette institution bicommunautaire – au-delà des barrières sectorielles et linguistiques – regroupe de nombreux acteurs et intervenants du secteur élargi puisqu’elle rassemble aussi dans ses groupes de travail, les hôpitaux, la police, les magistrats, les médecins généralistes, les représentants des usagers ou les intervenants psychiatriques. Elle a pour mission de réaliser transversalement la politique de santé mentale sur base de concertation avec les différents acteurs de la Région : élaborer et monitorer les plans stratégiques pour articuler les soins à Bruxelles et garantir les meilleurs soins aux patients.

Ces dernières années, la crise Covid, la guerre en Ukraine ou la crise énergétique ont affecté les citoyens comme les intervenants. Différentes pratiques ont été mises en place comme des lignes téléphoniques. Les listes d’attente sont longues dans les services et les candidats pour les postes vacants, difficiles à trouver. Les équipes mobiles de médiation et d’intervention ont aussi été étendues à l’intérieur des réseaux.
Ce colloque offrait aussi l’occasion de partager les données entre les intervenants et les institutions et de faire un tour d’horizon des pratiques dans les réseaux : les équipes mobiles de santé mentale pour les différents usagers, lien entre santé mentale et précarité, familles, usagers et pair aidance notamment.

Un livre anniversaire retraçant le parcours de la Plateforme sera d’ailleurs diffusé au printemps 2023.

Bru-Stars : le réseau de santé mentale réseau enfants & adolescents

Au fil de la présentation des différents réseaux bruxellois, Youri Caels et Christophe Herman ont évoqué le travail collaboratif du réseau adulte, Brumenta avec Bru-Stars pour les enfants et adolescents, dont Kathleen Coppens est la coordinatrice. En effet, ces deux réseaux travaillent ensemble pour une meilleure prise en charge des jeunes en transition vers l’âge adulte (16 – 23 ans).

Quant au réseau Bru-Stars mis sur pied en mai 2015, son ambition est de rationaliser les approches, d’améliorer la lisibilité des offres, les articuler avec les besoins et assurer l’information à propos des dimensions administratives et juridiques tant francophones que néerlandophones.

Bru-Stars est donc un réseau unique regroupant les acteurs francophones, néerlandophones et bicommunautaires à Bruxelles. Il s’adresse aux enfants et adolescents de 0 à 18 ans qui présentent une problématique nécessitant un soin en santé mentale et qui résident principalement en Région de Bruxelles-Capitale. Le réseau fonctionne en étroite collaboration avec les tous les acteurs impliqués : partenaires de soins existants, soins ambulatoires, soins en résidentiel, outreach, acteurs de la 1ère ligne de soins et d’aide, médecine scolaire, police, SOS enfants, éducateurs de rue, familles et enfant, SAJ, SPJ, etc.

Le travail en réseau

Mais le travail en réseau est un travail patient qui ne coule pas de source, comme l’indiquait Youri Caels au cours de l’exposé des trois coordinateurs. Pour les acteurs participants, il s’agit de dépasser les éventuels clivages, les rivalités, de se remettre en question mais aussi de donner du temps non rémunéré pour faire vivre le réseau. Les fonctions de support sont donc très nécessaires pour faire grandir les réseaux de santé mentale bruxellois. C’est quand elles ne sont pas pourvues qu’on se rend compte de la valeur de ces fonctions essentielles. La tâche est conséquente et essentielle : il faut diffuser les appels, analyser les besoins, organiser la concertation et harmoniser les projets entre eux. Tout cela doit être transmis aux autres acteurs et aux autorités compétentes. Il faut aussi fournir des avis sur des appels à projets lancés par les cabinets et encore, cartographier l’ensemble des besoins de la population pour y répondre de manière spécifique, comme lors de la pandémie. Enfin, ce travail en réseau doit être évalué à l’aide de case management notamment.

Quelques perspectives pour Bru-Stars

L’offre de Bru-Stars est organisée en programmes de soins de manière transversale. Dans le futur, le réseau entend inclure encore plus l’expertise des usagers, des enfants, adolescents et des pair-aidants dans sa gouvernance. Un point important est aussi de déstigmatiser la santé mentale auprès du grand public. Avec le cabinet Vandenbroucke, un plan est étudié pour renforcer les équipes de liaison dans les hôpitaux, pour les lits K, élaborer des projets pilotes relatifs à l’âge de transition, améliorer la continuité des soins, créer des projets concernant les troubles alimentaires. Une nouvelle permanence centralisée sera créée pour renforcer les compétences des petites équipes. De nouveaux projets de soins psychologiques de 1ère ligne seront implémentés pour offrir plus ou moins 1.500 séances de soins par semaine. Enfin des journées d’échanges sur les pratiques des partenaires sont prévues à l’automne 2023.

Atelier : la périnatalité aujourd’hui, les nouvelles avancées dans ce domaine

Modératrice : Dr. Karine Mendelbaum, psychiatre, médecin chef de service de l’unité mère-bébé et coordinatrice de l’IHP « La Lisière »

Au cours de cet atelier, nous avons plus particulièrement découvert différentes unités mère-bébé ou parent-bébé.

L’Unité mère-bébé de la Ramée du groupe Epsylon, accueille jusqu’à 5 mamans avec leur bébé jusqu’à l’âge d’un an et aussi des femmes enceintes pour une hospitalisation d’un à trois mois. Cette unité a vu le jour dans un contexte global de manque de places en périnatalité. Il n’y a actuellement que 5 ou 6 lits d’appartement supervisés à Bruxelles par exemple. Son objectif est d’accompagner la maman dans sa relation avec son bébé, stabiliser sa problématique psychiatrique, identifier ses difficultés, ses ressources et ses compétences. Si une maman présente une situation plus complexe, comme un état psychotique, ou un risque suicidaire, elle peut aussi être accueillie dans cette unité. Un pré-entretien est organisé pour parler avec la maman de son projet d’hospitalisation. Elle est ensuite prise en charge par une équipe pluridisciplinaire composée d’une psychiatre, d’une psychologue, d’une kiné, d’une infirmière et d’une assistante sociale. Les membres de l’équipe sont spécifiquement formés à la périnatalité. De manière générale, l’équipe travaille en amont et en aval avec beaucoup d’autres acteurs, SAJ, SPJ, services hospitaliers, ambulatoires, médecins traitants, pédiatres, pédopsychiatres, aide à l’enfance, services de santé mentale, aide à domicile, crèches, halte accueil, maisons maternelles, appartements supervisés, etc.

L’IHP (Initiative Habitation Protégée) La Lisière, autre tout nouveau projet du groupe Epsylon, accueille des mères avec leur enfant âgé de 0 à 3 ans qui ont besoin d’un encadrement pour soutenir leurs interactions et une aide quant à leur ancrage social. Le parent doit être suffisamment stabilisé sur le plan psychiatrique et disposer d’une certaine autonomie, tant dans la prise en charge de son bébé que dans la vie au quotidien. L’équipe est composée d’une infirmière sage-femme formée en psychiatrie, d’une psychologue et d’une psychomotricienne. Tous les trois mois, un bilan est effectué avec les mamans. On leur apprend à gérer leur budget, faire les courses pour favoriser leur autonomie. Une présence est organisée toute la journée, et notamment pour accompagner les mamans à la crèche.

La période des 1000 jours : un impact énorme sur le développement du futur adulte

Le Docteur Vildan Goban, pédopsychiatre à l’Hôpital des Enfants a ensuite évoqué l’offre de soins cruciale pour la période des 1000 jours dont on sait aujourd’hui qu’elle a un impact énorme sur le développement du futur adulte. Ce sont mêmes de nombreux arguments économiques qui justifient des investissements importants pour cette période.

Quelle est l’offre de soins en Région bruxelloise ?

En unité résidentielle pour troubles psychiatriques modérés à sévères, deux institutions existent : La Ramée et Clairs Vallons (Ottignies). En unité non résidentielle pour les troubles psychiatriques légers à modérés, il existe une unité de jour à l’hôpital des Enfants, des équipes mobiles de crise (Brumenta et Bru-Stars), une équipe à cheval entre l’ambulatoire et les équipes à domicile et les services d’accompagnement à la parentalité, Aquarelle et Ulysse. Le secteur ambulatoire est assez pauvre avec quelques services de santé mentale spécialisés en petite en enfance ou parentalité ainsi que des consultations privées. Les services SOS Enfant subsidiés par l’ONE ont développé des sous-équipes pour la partie prévention en périnatalité. L’équipe SOS Enfant du CHU Saint-Pierre va développer une antenne autonome à partir de 2023. On y proposera une consultation petite enfance en lien avec la pédiatrie, la neuropédiatrie, une convention prématurés et troubles de l’oralité.

La nouvelle Unité de jour, parents-bébé de l’Hôpital des Enfants (HUB), complètement rénovée, propose un environnement proche du contexte de vie plus normal d’une maison. On y accueille jusqu’à 7 dyades, triades avec un enfant de 0 à 2 ans. L’unité propose une prise en charge thérapeutique et une prévention des troubles de la relation précoce parents-bébés et de la psychopathologie du petit enfant.

Quelques réactions des participants

Da manière générale, les participants de l’atelier souhaitent une meilleure centralisation des initiatives existantes en périnatalité, dans l’idée de développer et coordonner un réseau de soutien à la périnatalité (- 9 mois à + 1 an).

  • On est en train de parler des 1000 premiers jours et on est relégués dans une petite salle par rapport à la salle consacrée à la psychiatrie adulte
  • Les pères sont souvent demandés mais souvent absents des soins périnatals
  • On se rend compte qu’il y a énormément de propositions d’aide en périnatalité mais que chacun fait son petit truc de son côté.
  • On essaie de se parler, se voir, se rencontrer pour mieux structurer.
  • Le fait de pouvoir rencontrer les acteurs, les services ambulatoires autour de la maman est très important pour notre travail. A Bruxelles, on travaille beaucoup plus avec les équipes mobiles, c’est plus structuré.
  • Les sages-femmes qui vont à domicile sont parfois un peu perdues quand elles découvrent des problématiques qui ne sont pas de leur ressort.
  • C’est vraiment au moment de la grossesse et du post partum qu’on est le plus à risque de faire une dépression. Même si on est bien entouré. Il faut le signaler, ce n’est pas juste des patients qui ont tel ou tel facteur… Donc il faut prendre en charge précocement,
  • Il faut changer les appellations des unités mère bébé en parents-bébé pour mobiliser les papas, faire revenir les pères pour que la maman ne se sente pas seule, pour que le père se sente inclus.
  • Il y a des recherches sur les dépressions post partum du père
  • Le père est plus présent en ambulatoire
  • La maladie mentale questionne toute la famille, donc l’appellation d’un service n’est pas anodine, un espace enfants et non mère enfant, on a aussi des papas hospitalisés.
  • Un mouvement se met en place, il faut rester enthousiaste, des concepts sont en cours d’implémentation dans les cliniques. On va considérer toute la famille autour de la patiente, on mobilise la direction pour financer cette prise en charge. Ça fait tache d’huile.
  • La place de l’homme : il y a eu de grandes fractures sur sa place dans la société, féminisme, post féminisme, mee to, perturbation du rôle de l’homme près de la femme. Beaucoup souffrent, pourquoi ne pas élaborer un screening pour les papas ? Il faut changer cette culture de la vulnérabilité, que l’homme puisse y être associé, l’accepter.
  • Question de la temporalité, 6 mois avant d’agir, ça peut être énorme pour quelqu’un qui a un antécédent psychiatrique.
  • Travailler en binôme, c’est un outil de travail indispensable, même si ça coûte plus cher dans les financements.
  • On doit se rappeler quotidiennement la place du père, ce n’est pas encore bien intégré dans notre travail.

Enjeux et défis actuels en périnatalité

Cindy Motrie, docteure en psychologie clinique, psychothérapeute du lien parents-bébés CMP Clairs Vallons, Ottignies – Dr. Audrey Moureau, pédopsychiatre, chef de clinique adjoint, responsable de l’Unité Parents-Bébé HUB site Laeken.

Repérage des signes précoces : pourquoi ça semble tellement important de parler des tout petits ?

Le repérage des signes précoces a été initié par le Dr. Alain Grégoire, d’abord en Angleterre, en France puis en Belgique. « On a besoin d’en parler parce que c’est une clinique difficile. Il faut sensibiliser les praticiens aux spécificités des bébés. Certains bébés sont très calmes, mais en fait, ils sont en stress ! »

Parlons des outils, le bébé n’est pas un adulte en miniature et nécessite des outils spécifiques. On milite pour des formations dédiées à la périnatalité. Nous utilisons une grille de Steinhauer (Canada) pour évaluer les compétences parentales pour les enfants de 0 à 5 ans, un répertoire des facteurs de stress. Selon une étude du Dr. Alain Grégoire, tous les ados déprimés à 16 ans ont eu une mère déprimée pendant la maternité. « Ce qui est compliqué pour nous, c’est de laisser une place pour le bébé, les parents peuvent parler mais le bébé va plutôt s’effacer. Nous nous faisons aujourd’hui le porte-parole des tout petits qui ne peuvent s’exprimer que par leur corps ».

Il existe aussi des arguments psychopathologiques et par exemple, l’imbrication entre les facteurs biologiques et le contexte environnemental qui affectent le développement du bébé, c’est-à-dire, l’épigénétique. Ces événements sont aussi réversibles comme les expériences sur les rats le prouvent. « Nous avons donc une possibilité d’action ! » Les courbes de développement du cerveau montrent une évolution exponentielle au départ de la vie. Les événements survenus à ce moment-là ont aussi une répercussion plus importante sur l’ensemble de la vie. « Malheureusement, nous ne sommes pas encore assez présents dans la prévention et même en étant optimiste, il est parfois difficile de travailler avec certains parents, limités dans leurs possibilités ».

Mal-être des jeunes mamans et problèmes de santé mentale

Selon la Société Marcé Francophone, deux mères sur dix développement un problème de santé mentale pendant la grossesse et la première année qui suit la naissance. 50 à 75% de ces mamans ne sont pas diagnostiquées et ne reçoivent pas de soins. Ce qui entraîne des conséquences pour la famille et la société.  Ce sont aussi quelques 50 à 80% des mamans qui font un baby blues, ce qui ne facilite pas le travail d’accueil du bébé. Il faut cependant faire la différence entre baby blues et dépression du post-partum. Enfin, le risque de décompensation psychotique est beaucoup plus élevé pendant la maternité qu’à n’importe quel moment de la vie.

Enfants placés et maltraitance

En cas de placement du bébé, peu d’études s’intéressent à leur devenir psychopathologique. En outre, le délai entre l’alerte d’un danger et la décision de placement est long : une moyenne de 11 mois pour un enfant prématuré, de 12 mois pour un bébé à risque psycho-social et de 13,2 mois pour des bébés ni prématurés ni à risque psycho-social. Le pourcentage de maltraitance est le plus élevé durant les 3 premières années de vie à cause de l’impossibilité de faire appel à l’aide explicitement.

Arguments économiques pour renforcer la psychiatrie périnatale

Le mémorandum du COMSMEA le confirme, le financement de la psychiatrie périnatale est essentiel pour éviter des surcoûts liés plus tard à la désinsertion sociale. Ainsi selon le Dr. Alain Grégoire, investir 700 000 € pour penser correctement le parcours d’un tout petit donnera le résultat positif d’un adulte inséré. Dans le cas contraire, ce sont quelques 2.500 000 € qu’on devra penser pour un individu en désinsertion sociale. « Donc si on n’investit pas assez dans la petite enfance, il faudra investir trois fois plus à l’âge adulte ! »

La société du changement et le stress

« On est dans la société du changement, on entend des choses comme : « Il ne faut pas laisser le bébé pleurer ! » Les injonctions et postures extrêmes sont nombreuses, contradictoires et indiquent la méconnaissance des bébés ». Ce qui implique un stress pour les mamans. La tranche la plus impactée lors de la crise du Covid 19 est le groupe de 20 à 35 ans. Et les femmes plus que les hommes. Donc la tranche correspondante aux jeunes mères avec des répercussions sur les enfants.

« Le stress est trop considéré à outrance comme négatif. Il peut aussi, à doses légères, être nécessaire et entraîner des facteurs de résilience ». Ce qui est important pour l’enfant est de sentir ses parents l’épauler. « Les parents doivent faire vivre des choses à leurs enfants et nous les soutenons pour le faire ».

En conclusion : changer les mentalités peut créer un impact incroyable sur la société

Les recommandations du COMSMEA plaide pour la prévention : informer la société, former les professionnels, créer et renforcer les soins. « Il faudrait des équipes dans toutes les maternités ! Il faut aussi instaurer le dialogue entre le.la pédopsychiatre, le.la gynécologue mais cette communication doit aussi exister à tout niveau : entre les institutions, avec le politique… C’est un chantier énorme et qui aura des effets importants pour toute la société. Si en tant que parents, nous avions pu bénéficier de telles interventions, le trajet aurait été différent… »

« C’est la première fois dans l’histoire de l’humanité qu’on fait si peu de cas de la naissance. Pas de rituels, une reprise du travail trop rapide, un isolement fréquent, etc. »

Á propos du concept de troubles neurodéveloppementaux en santé mentale

Pr. Véronique Delvenne – HUDERF – HUB

« La question qui se pose, c’est de savoir à qui s’adressent les troubles neurodéveloppementaux ? Au pédopsy ? au neuropsy ? Qu’est-ce que le neurodéveloppement ? »

Pour comprendre l’avènement des troubles neurodéveloppementaux en santé mentale, le Pr. Delvenne nous a proposé une chronologie des concepts depuis les années 50-60.

  • 50’-60’ Naissance du neurodéveloppement liée à l’histoire de la pédopsychiatrie : enfants déficients, troubles du comportement, troubles instrumentaux. Position « neurologique » en lien avec la déficience intellectuelle sur base d’outils comme le « minimal brain dysfunction »
  • 70’ Mouvement psychodynamique dans les troubles de l’apprentissage – Recherches de Brunet, Lézine et Haim pour les troubles instrumentaux. Courant anglo-saxon « learning disabilities»
  • 80’ concept des troubles dysharmoniques, psychose infantile, défauts de capacités de représentation et de symbolisation. Le terme psychose infantile est né sous l’influence de la psychiatrie adulte, en parallèle avec la schizophrénie. Montée en puissance des neurosciences.
  • 2008 Michael Reuter décrit les troubles neurodéveloppementaux comme des troubles débutant précocement dans le développement de l’enfant (déficits fonctionnels).

Des troubles neurodéveloppementaux à l’épigénétique

Les troubles neurodéveloppementaux sont nés à partir d’hypothèses génétiques : on supposait que les troubles du développement se développaient dans un continuum génétique. Le concept d’épigénétique est venu apporter une autre dimension : les gênes oui, mais aussi l’environnement pré et postnatal qui engendrent un tableau phénotypique particulier. Et par exemple, on retrouve dans l’enfance des patients schizophrènes, des difficultés motrices ou des anomalies du langage. L’influence de l’environnement engendre des mécanismes biologiques qui s’inscrivent aussi dans les gênes, ce qui explique le terme « épigénétique ».

Aujourd’hui, les chercheurs optent pour des critères qui forment une intelligence particulière différente, concernant l’autisme par exemple. Il faut donc redéfinir le handicap sous-jacent ou associé quand on analyse l’acquisition du langage chez l’autiste.

Le concept de neurodiversité

Ce nouveau concept de neurodiversité est apparu il y a une dizaine d’années. Le journalistes Harvey Blume et Judy Singer, autiste militante, ont défini l’identité autistique comme une variabilité neurologique et ont associé des mouvements de patients pour défendre la différence.

On considère que ces patients ne sont pas dans le champ du handicap mais plutôt dans celui d’une lacune ou dans une différence de la norme. Cette différence peut constituer une richesse dans bien des domaines, qui permet à la société de progresser à l’instar de la biodiversité.

Concernant l’autisme de « haut niveau », les hauts potentiels ont un autre type de fonctionnement cognitif, ce n’est pas une « maladie ». Ils ont un autre rapport au monde, un développement atypique, comme le langage. Le cerveau se développe différemment aussi, avec un volume plus important dans la 1ère année de vie. Ils ont une mémoire prodigieuse pour les faits, les dates, des dispositions d’hyper perception visuelle et sensorielle, une intelligence mal estimée par les tests QI, ils sont souvent très forts en cybernétique ou en informatique.

L’abandon de la pathologie au profit de la différence ?

L’histoire de la neurodiversité est liée à celles de plusieurs autistes et son concept comprend d’autres troubles comme celui de l’apprentissage, le TDA/H, etc. La position défendue par les tenants de Harvey Blume et Judy Singer est de « démédicaliser » dans le champ de la psychiatrie, en abandonnant les « pathologies mentales » versus la « diversité mentale ». « Il faut aider ces enfants !» faisant référence à une forme de racisme envers eux. Cette position très militante est aussi très acceptée aujourd’hui.

Le paradigme de la différence

Ces déstigmatisations et dénonciations du handicap concernent aussi d’autres pathologies et les redéfinissent comme une autre façon d’être au monde : TDA/H, dyslexie, Tourette, etc.

Il faut envisager des aménagements raisonnables à l’école, dans le monde de l’entreprise. Il faut aussi soutenir une certaine évolution de la civilisation, le fait que la neurodiversité est nécessaire, l’émergence de nouvelles identités bio-sociales. Dans cette reconfiguration des frontières entre le normal et le pathologique, les patients se définissent eux-mêmes dans leur identité, leur différence.

Compte-rendu : Emmanuelle Van Besien

Pour en savoir plus à propos des dispositifs de santé mentale à Bruxelles :

Bruxelles Social (catalogue en ligne des organismes et associations du domaine social santé à Bruxelles)

santementale.brussels (répertoire de la Plateforme Bruxelloise de la Santé Mentale)

 

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Des animaux pour apaiser les enfants malades : Villa Samson fête ses 5 ans

En 2017, « une idée folle à l’hôpital » est née : donner la possibilité aux patients de prendre leur animal dans leur bras. C’est ainsi que Villa Samson a vu le jour ; une maison chaleureuse à deux pas de l’UZ Brussel où les patients, jeunes et moins jeunes, peuvent passer du temps avec leur compagnon à quatre pattes. Quant aux patients qui n’ont pas d’animal domestique, ils bénéficient d’un espace dédié à la zoothérapie, qui favorise la guérison. À l’occasion des cinq ans de Villa Samson, Hospichild a interviewé la coordinatrice du projet : Vicky De Baere.

Photo : Villa Samson

 

Sur Facebook, Villa Samson se réjouit (en néerlandais) de cet anniversaire : « Il y a exactement cinq ans, Villa Samson ouvrait ses portes aux patients de l’UZ Brussel. Misty, Luna et Chris ont décoré toute la Villa ! Jusqu’à présent, nous avons déjà aidé plus de 6 197 patients ; qui aurait osé en rêver ? Et la demande pour une séance de thérapie avec nos animaux ne cesse de croître. Ainsi, la mission de de la Villa d’apporter du plaisir aux patients grâce aux animaux est plus pertinente que jamais ! »

Vicky De Baere, pouvez-vous présenter Villa Samson en quelques mots, ainsi que votre rôle en son sein ?

Vicky De Baere, coordinatrice du projet – Photo : Villa Samson

La Villa a ouvert ses portes le 1er décembre 2017 et sa construction a été financée entièrement par des dons. Un soutien est toujours nécessaire pour l’exploitation de Villa Samson et les coûts associés. En soutenant Villa Samson, vous offrez aux patients la possibilité d’utiliser cet endroit gratuitement. Depuis 2019, je suis la coordinatrice de Villa Samson. Ensemble avec Milly Simon et une équipe de volontaires nous avons le plaisir de recevoir tous les jours des patients à Villa Samson. D’ailleurs, vous pouvez soutenir notre mission unique sur www.villasamson.be.

Cinq ans que la Villa existe, quel bilan pouvez-vous tirer ? Avez-vous des chiffres du nombre de personnes soutenues, du nombre d’animaux de passage ?

Villa Samson est une petite maison chaleureuse nichée à côté de l’UZ Brussel, où les patients hospitalisés de tous âges peuvent profiter d’un moment privilégié avec leur fidèle animal de compagnie, dans un salon privé. Même les patients ne possédant pas d’animal peuvent y bénéficier de séances de zoothérapie. En rendant possible le contact avec l’animal, Villa Samson participe au bien-être émotionnel et psychologique des patients, stimulant ainsi le processus de guérison, comme cela a été démontré lors d’études scientifiques. Depuis sa création, Villa Samson a pu aider pas moins de 6.197 patients. Actuellement, un projet de rénovation est en cours et sera terminé avant la fin de 2022. Après cinq ans nous comprenons en effet de mieux en mieux les besoins de nos patients, de nos animaux et de nos volontaires. Il faut dire aussi que les meubles n’ont pas été à l’abri des griffes acérées des chats…

Comment ce sont passé les festivités qui ont eu lieu pour cet anniversaire ?

Nous avons organisé un Festiwalk qui a commencé avec une belle promenade au bois de Laerbeek. À la fin de la promenade avait lieu le Festival à proprement parlé. Des animations pour petits et grands (750 personnes étaient au rendez-vous !) pour divertir et amuser tout le monde : démonstrations impressionnantes avec des chiens policiers, séances instructives et interactives avec des chiens guides pour aveugles, câlins d’alpagas, grimage… Divers food trucks proposaient frites et burgers, pâtes et pizzas, desserts et sucreries savoureux, boissons chaudes ou rafraîchissantes… Ce fut un réel succès qui deviendra une tradition annuelle.

Comment ça se passe concrètement à la Villa ? Pouvez-vous décrire une journée-type ?

Il n’y a pas vraiment de journée type. Chaque jour est une nouvelle aventure. Les visites se font l’après-midi entre 13h30 et 17h00. Pour les visites organisées pour la pédiatrie, la psychiatrie, la gériatrie, la revalidation, l’oncologie, la neurologie…, il y a un chien thérapeutique et les trois chats de race « Maine coon » qui habitent à Villa Samson. Sur rendez-vous, les patients peuvent demander une visite de leur propre chat ou chien (accompagné par la famille et/ou des amis). Sur rendez-vous, les psychologues proposent aussi des sessions de thérapie en présence des animaux.

Quels sont les bienfaits des animaux sur les personnes malades, et en particulier les enfants ?

Je dirais que les trois principaux bienfaits du contact avec les animaux et de la fréquentation de notre lieu sont :

  • Biologique : la réduction du stress due à une diminution du cortisol libéré dans le corps.
  • Psychologique : une expérience de la douleur qui s’amoindrit  grâce à ces moments de bonheur dans un cadre agréable et non-hospitalisé.
  • Social : le contact humain avec les autres patients ou le personnel de la Villa.

N’y a-t-il pas parfois une contre-indication pour certains malades à être en contact avec des animaux ?

Tous les patients sont les bienvenus ; il leur faut toutefois l’accord du médecin traitant. Il’ y a naturellement des contre-indications : MRSA, cathéter central, Covid, allergies aux animaux…

Quels sont les projets réalisés jusqu’à présent ?

Parmi les projets réalisés et toujours en cours, il y a par exemple les ballades avec les animaux qu’on propose aux enfants diabétiques ou obèses. Également, l’initiative « Villa Résilience @ Villa Samson » qui nous permet de proposer un soutien psychologique et émotionnel au personnel (surtout depuis le COVID).

Propos recueillis par Sofia Douieb

 

→ Voulez-vous soutenir Villa Samson ? Vous avez la possibilité de mettre en place une action ou de faire un don via le site web de Villa Samson.

→ Plus d’informations via le flyer de Villa Samson.

 

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